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LA SOIE ET LES CANUTS - Autres textes | |
L'ouvrier Jacquard | |
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A Lyon est né un homme qu'on a proposé depuis longtemps comme modèle à tous les travailleurs. Jacquard était fils d'un pauvre ouvrier tisseur et d'une ouvrière en soie. Dès l'enfance, il connut par lui-même le souffrances que les ouvriers de cette époque avaient à endurer pour tisser la soie. La loi d'alors permettait d'employer des enfants aux travaux les plus fatigants : ils y devenaient aveugles, bossus, bancals, et mouraient de bonne heure. |
Le jeune Jacquard, mis à ce dur métier, tomba lui-même malade. Ses parents, pour lui sauver la vie, durent lui donner une autre occupation ; ils le placèrent chez un relieur, et ce fut un grand bonheur pour l'enfant, car, une fois dans l'atelier de reliure, il ne se borna pas à cartonner les livres qu'on lui apportait : à ses moments de loisir, il lisait ces livres, et il acquit ainsi l'instruction élémentaire qu'on n'avait pu lui donner. Une fois instruit, le studieux ouvrier sentit s'éveiller en lui le goût de la mécanique, et il conçut l'idée d'une machine qui accomplirait à elle seule le pénible travail qu'il avait lui-même accompli jadis. Mais de tristes événements vinrent interrompre ses recherches : c'était le moment des guerres de la Révolution, où les citoyens combattaient les uns contre les autres en même temps que contre les ennemis de la France. Il se fit soldat et alla combattre, lui aussi, pour la patrie. Pendant qu'il était sur le champ de bataille, son fils unique mourut à Lyon. Sa femme était dans la misère, tressant, pour vivre, des chapeaux de paille. C'est alors qu'il revint de l'armée, et ce fut au milieu de cette tristesse et de cette misère générale qu'il finit par construire la machine à laquelle il a donné son nom. Mais que de temps il fallut pour que cette merveilleuse machine fût estimée à son vrai prix ! Les ouvriers mêmes dont elle devait soulager le travail la voyaient de mauvais oeil. Un jour, on la brisa sur la place publique, et le grand homme qui l'avait inventée eut lui-même à souffrir le mauvais traitements d'ouvriers ignorants. Enfin, au bout de douze ans d'efforts, son métier fut généralement adopté et fit la richesse de Lyon. Les ouvriers, qui craignaient que la machine nouvelle ne leur nuisit et ne leur enlevât du travail, virent, au contraire, leur nombre augmenter chaque jour ; il y a maintenant à Lyon plus de cent mille ouvriers en soieries. Et partout on a adopté le métier de Jacquard, en Allemagne, en Angleterre, en Italie, en Amérique et jusqu'en Chine. Chaque ville manufacturière invitait Jacquard à venir organiser chez elle les ateliers de tissage. La ville de Manchester en Angleterre lui offrit même dans ce but beaucoup d'argent ; mais Jacquard, voulant conserver toutes ses forces et tout son travail pour sa patrie bien-aimée, refusa. La ville de Lyon, reconnaissante envers cet homme qui a fait sa prospérité, lui a élevé une statue sur une de ses places. |
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